SafirLab, l’accélérateur français pour entrepreneurs du monde arabe
On parle souvent de monde arabe, de région MENA, pourtant il est rare de se retrouver dans une salle avec des jeunes des quatre coins du monde arabe, d’entendre parler le tunisien, le yéménite, le français et le palestinien en même temps.
Imaginez donc mon plaisir quand j’ai découvert le programme SafirLab. Un programme de formation pour porteurs d’initiatives liées à la citoyenneté, à la gouvernance locale et aux médias ouvert aux jeunes de Tunisie, d’Egypte, de Jordanie, de Libye, du Maroc et du Yémen, qui a eu lieu à Paris, en France, du 18 au 29 novembre 2013 grâce à l’Institut français et CFI, agence de coopération médias soutenue par le ministère des Affaires étrangères français.
Conçu comme un accélérateur, aux yeux de Tariq Krim, un des mentors, ce programme vise à soutenir les jeunes du monde arabe dans leurs projets et les aider à devenir par leurs compétences et leurs initiatives les acteurs d’une transition réussie du monde arabe vers des sociétés plus libres et démocratiques.
Tariq Krim, un entrepreneur web majeur en France – il a créé Netvibes et JoliDrive – a accepté de participer à ce programme malgré son emploi du temps de ministre. « Je trouvais que c’est une bonne idée. Dans toute la région MENA, il y a une fibre entrepreneuriale très forte mais elle n’est pas encore valorisée à sa juste valeur », explique t’il.
Un mot clé : la diversité
Il ajoute : « Il faudrait construire des accélérateurs avec des entrepreneurs qui ne soient pas uniquement tech. Il faudrait que ça soit un lieu de rencontre où ‘like-minded people meet’ ».
Un diner sur la Seine
C’est clairement l’ambition de SafirLab puisque cette deuxième édition a réuni des profils variés comme Omar Fathi Abozeid, qui souhaite organiser la première conférence annuelle égyptienne sur l’entrepreneuriat social, Nizar Abu Sarii, qui dirige le centre libyen pour la liberté de la presse, Ishak Al-Hamzah qui veut créer un site web de « fast-checking » au Yémen pour lutter contre la désinformation, Amira Al-Sharif qui va lancer une école de photojournalisme au Yémen, Mahrez Ayari qui souhaite promouvoir le concept de développement durable et du tourisme alternatif en Tunisie ou encore Nidhal Naimi, qui a fondéMekechwahdek pour améliorer la relation entre chercheurs et médecins spécialisés dans les maladies orphelines.
Le contenu du programme aussi se voulait aussi varié que complet. Entre une visite en bus de Paris et un diner sur la Seine, les participants ont reçu des cours de méthodologie de conduite de projet, assisté à des plénières sur l’entrepreneuriat social, participé à des ateliers sur la production de vidéos ou la graphisme ou encore l’activisme online, et pris part à des barcamps sur le changement social ou les applications mobiles.
Un atelier à l'espace de coworking la Mutinerie
Le mentorat au cœur du projet
Pour Amira Al-Sharif, qui a pour projet de lancer une école de photojournalisme au Yémen, le point fort résidait dans les rencontres et le mentorat. Chaque participant est mis en contact avec les bonnes personnes dans leur industrie, Amira a pu ainsi rencontre des agences de photo et apprendre à communiquer face aux médias.
Le programme a séduit des acteurs clés des médias et de l’entrepreneuriat français comme Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des droits des femmes, Benoit Thieulin, fondateur et directeur de l’Agence La Netscouade, Edwy Plenel, co-fondateur du site Mediapart, Vincent Glad, journaliste chez Slate, Les Inrocks, ex Le Grand Journal, pour n’en citer que quelques uns.
Mieux se connaître au sein du monde arabophone
Pourtant, ce n’est pas tellement l’acquis de compétences professionnelles qui semble distinguer le programme d’après Claire Ulrich, responsable du site Global Voices en français, mais le changement personnel. « Passer 15 jours dans le même lieu à Paris alors qu’ils viennent d’horizons très différentes, c’est une expérience qui les change énormément, » explique t’elle.
Mais sa plus grande surprise reste l’excitation des participants
vis-à-vis des autres participants.
Elle prend pour exemple un tunisien qui lui racontait hier ne
jamais avoir l’occasion de rencontrer des yéménites, de libyens ou
des jordaniens et se désolait du fait que les transports soient si
chers entre les pays du monde arabe.
Alors que les médias et les économistes parlent tant du marché MENA, il est toujours désolant de voir l’isolement de chaque pays. Ce genre d’événements – ainsi qu’une baisse des prix des billets d’avion et un aménagement des visas – sont vitaux pour permettre aux jeunes des payas arabophones de se connaître entre eux et de travailler entre eux. La région a besoin de faciliter cette coopération pour pouvoir faire de ses opportunités une réalité.
Credit photo : CFI